Monastère du Carmel de Lisieux. Ste Thérèse de Lisieux


Marie-Françoise-Thérèse Martin naît rue Saint-Blaise à Alençon le 2 janvier 1873. Elle est baptisée dès le 4 janvier 1873 à l'église Notre-Dame d'Alençon.

Son parrain est Paul Boul, fils d'un ami de la famille, et sa marraine sa sœur aînée Marie ; tous les deux sont âgés de treize ans

En mars, âgée de deux mois, elle frôle la mort et doit être confiée à une nourrice, Rose Taillé, qui avait déjà nourri deux enfants du couple Martin. Elle se rétablit et elle grandit dans la campagne normande, dans cette ferme de Semallé, distante de 8 kilomètres.

À son retour à Alençon, le 2 avril 1874, sa famille l'entoure d'affection. Sa mère dira d'elle qu'« elle est d'une intelligence supérieure à Céline, mais bien moins douce, et surtout d'un entêtement presque invincible.

Quand elle dit non, rien ne peut la faire céder. » Espiègle et malicieuse, elle réjouit sa famille par sa joie de vivre. Mais elle est également émotive et pleure souvent.

Elle grandit alors dans cette famille de fervents catholiques qui assistent chaque matin à la messe de 5 h 30, respectent rigoureusement le jeûne et prient au rythme de l'année liturgique.

Les Martin pratiquent également la charité et accueillent à l'occasion un vagabond à leur table, visitent les malades et les vieillards. Même si elle n'est pas la petite fille modèle que dépeindront plus tard ses sœurs, Thérèse est sensible à cette éducation.

Ainsi, elle joue à la religieuse, cherche souvent à « faire plaisir à Jésus » et elle s'inquiète de savoir s'il est content d'elle. Un jour, elle va jusqu'à souhaiter à sa mère de mourir ; grondée, elle explique que c'est parce qu'elle lui souhaite le bonheur du Paradis.

Depuis 1865, Zélie Martin se plaint de douleur au sein. En décembre 1876, un médecin lui révèle la gravité de cette "« tumeur fibreuse »" : il est trop tard pour tenter une opération. Le 24 février 1877, Zélie perd sa sœur Marie-Louise, morte de la tuberculose au couvent de la Visitation du Mans, sous le nom de sœur Marie-Dosithée. Après ce décès, le mal empire et la malade souffre de plus en plus, même si elle le cache à sa famille.

En juin 1877, Zélie part à Lourdes en pèlerinage dans l'espoir d'y être guérie, mais le miracle n'a pas lieu. Elle meurt le 28 août 1877, après plusieurs jours d'agonie.

À quatre ans et demi, Thérèse vient de perdre sa mère. Elle en est profondément marquée. Plus tard, elle considérera que « la première partie de sa vie s'est arrêtée ce jour-là ». Elle choisit alors sa sœur Pauline, âgée de presque 16 ans, comme mère adoptive

OREMOS




Arrivée à Lisieux

En novembre 1877, Louis et ses cinq filles s’installent à Lisieux pour se rapprocher d'Isidore Guérin, frère de Zélie, qu'un conseil de famille a désigné subrogé tuteur des enfants. Isidore Guérin et son épouse sont en effet persuadés que c'est la solution la plus sage et ils sont parvenus à convaincre Louis, d'abord réticent, de faire ce voyage.

Pour accueillir la famille Martin, ils ont trouvé une maison bourgeoise entourée d'un parc : les Buissonnets. L'oncle Isidore, pharmacien à Lisieux, est alors actif politiquement : monarchiste convaincu, il défend le pape Léon XIII et le développement du catholicisme social.

Louis, qui a vendu le commerce familial d'Alençon et vit désormais de ses rentes, se consacre à ses filles et en particulier à Thérèse, qu'il appelle sa « petite Reine ». Il l'emmène souvent en promenade aux alentours.

Marie, âgée de dix-sept ans, prend en main le fonctionnement de la maison, avec l'aide d'une bonne que l'on a engagée. Pauline, seize ans, s'occupe de l'éducation des deux petites, spécialement de Thérèse.

Thérèse ressent profondément le changement d'atmosphère : à l'animation de la boutique d'Alençon, toujours pleine de clientes et d'ouvrières, succède le silence et la solitude de cette demeure retirée où l'on reçoit peu.

Sa mère lui manque d'autant plus et elle écrira : « À partir de la mort de maman, mon heureux caractère changea complètement ; moi si vive, si expansive, je devins timide et douce, sensible à l'excès. » Malgré l'amour que lui prodiguent son père et Pauline, sa « maman », la vie est austère aux Buissonnets et elle considérera plus tard qu'il s'agit de « la seconde période de son existence, la plus douloureuse des trois »

Les dimanches et les fêtes mettent un peu de fantaisie dans la vie bien réglée de la fillette : on assiste à la messe à la cathédrale Saint-Pierre, où l'on retrouve les Guérin, puis c'est un joyeux repas chez eux. Thérèse passe parfois l'après-midi avec l'une de ses sœurs, chez ses cousines Jeanne et Marie. Mais la belle journée passe trop vite à son goût.

À sept ans, en 1880, Thérèse se confesse pour la première fois. Elle ignore alors crainte et scrupules : « Depuis je retournais me confesser pour toutes les grandes fêtes et c'était une vraie fête pour moi chaque fois que j'y allais. »

Le 13 mai 1880, c'est la première communion de Céline, dont elle partage la joie : « Je crois que j'ai reçu de grandes grâces ce jour-là et je le considère comme un des plus beaux de ma vie. » Elle a hâte de recevoir à son tour la communion et décide de profiter des trois années qui l'en séparent pour se préparer à l'événement.

Un incident inquiétant survient au cours d'un après-midi d'été (en 1879 ou 1880. Elle voit d'une fenêtre donnant sur le jardin, « un homme vêtu absolument comme Papa, ayant la même taille et la même démarche, seulement il était beaucoup plus courbé…

Sa tête était couverte d'une espèce de tablier de couleur indécise en sorte que je ne pus voir son visage. Il portait un chapeau semblable à ceux de Papa. Je le vis s'avancer d'un pas régulier, longeant mon petit jardin…

Aussitôt un sentiment de frayeur surnaturelle envahit mon âme. » Apeurée, elle appelle son père, absent ce jour-là. Ses sœurs tentent de la rassurer, on interroge la bonne, on fouille le jardin, mais en vain. Les sœurs Martin ne trouveront un sens à cette vision que quinze ans plus tard, avec la maladie de leur père, atteint de paralysie cérébrale


Découverte de la « petite voie »


Thérèse est entrée au carmel avec le désir de devenir une grande sainte. Mais, fin 1894, au bout de six années, force lui est de reconnaître que cet objectif est pratiquement impossible à atteindre.


Elle a encore de nombreuses imperfections et n'a pas le charisme de Thérèse d'Avila, Paul de Tarse et tant d'autres. Surtout, elle qui est très volontariste, voit bien les limites de tous ses efforts.


Elle reste petite et bien loin de cet amour sans faille qu'elle voudrait pratiquer. Elle comprend alors que c'est sur cette petitesse même qu'elle peut s'appuyer pour demander l'aide de Dieu.

Dans la Bible, le verset « Si quelqu'un est tout petit, qu'il vienne à moi ! » (Livre des Proverbes ) lui donne un début de réponse.


Elle qui se sent si petite et incapable peut se tourner vers Dieu avec confiance. Mais alors, que va t-il se passer ? Un passage du Livre d'Isaïe lui donne une réponse qui l'encourage profondément : « Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux. » (Livre d'Isaïe,)


Elle conclut que Jésus lui-même va la porter au sommet de la saintetéD 86. Elle écrira : « l'ascenseur qui doit m'élever au ciel, ce sont vos bras, ô Jésus ! Pour cela, je n'ai pas besoin de grandir, au contraire, il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus. ».


La petitesse de Thérèse, ses limites deviennent ainsi motifs de joie, plus que de découragement. Car c'est là que va s'exercer l'amour miséricordieux de Dieu pour elle.


Dans ses manuscrits, elle donne à cette découverte le nom de « petite voie ». Dès février 1895, elle va régulièrement signer ses lettres en ajoutant « toute petite » devant son nom. Jusque là, Thérèse employait le vocabulaire de la petitesse pour rappeler son désir d'une vie cachée et discrète.


À présent, elle l'utilise aussi pour manifester son espérance : plus elle se sentira petite devant Dieu, plus elle pourra compter sur lui.


C'est aussi pendant cette période qu'elle commence, à la demande de mère Agnès, d'écrire ses mémoires. Elle poursuit également l'écriture de pièces de théâtres et de cantiques, dont le plus connu est Vivre d'amour



Les scrupules

En mai 1885, Thérèse se prépare à ce qu'on appelle alors la deuxième communion. Lors de la retraite, suivant la tonalité d'une partie du clergé à l'époque, l'abbé Domin insiste sur les fautes à ne pas commettre, les péchés mortels, la mort et le jugement dernier.

Les « peines d'âme », qui avaient tant tourmenté Thérèse et qui semblaient avoir disparu, se réveillent brusquement. La jeune fille, si fragile, sombre à nouveau dans la « terrible maladie des scrupules ». Thérèse se croit en faute et développe un fort sentiment de culpabilité à propos de tout. « Actions et pensées les plus simples deviennent pour elle sujet de trouble. »

Elle n'ose se confier à Pauline, qui lui paraît si lointaine dans son carmel. Il lui reste Marie, sa « dernière mère », à qui elle raconte désormais tout, y compris ses pensées les plus « extravagantes ».

Celle-ci l'aide à préparer ses confessions en laissant de côté toutes ses peurs. Docile, Thérèse lui obéit. Cela a pour effet de cacher sa « vilaine maladie » à ses confesseurs, la privant ainsi de leurs conseils

Les vacances d'été sont un moment de diversion pour Thérèse. Avec sa sœur Céline, elles passent quinze jours à Trouville, au bord de la mer. « Thérèse est franchement heureuse », constate sa tante, « jamais je ne l'ai vue aussi gaie ». Mais peut-être ne fait-elle que cacher ses souffrances.

La rentrée en octobre 1885 ne commence pas sous les meilleurs auspices. En effet, Céline, la compagne de jeu, la grande sœur toujours prête à la défendre, a terminé ses études.

Sa cousine Marie, souvent souffrante, ne reprend pas l'école. Thérèse est seule à l'Abbaye. Elle s'efforce de se lier avec des camarades, mais en vain. En outre, l'année commence avec une retraite où l'on insiste encore sur le péché, l'enfer et la mort.

Au début de l'année 1886, Thérèse, âgée de treize ans, commence à souffrir de maux de tête. Début mars, les maux de tête sont devenus continuels ; devant les absences répétées de la jeune fille, son père se résout à la retirer de l'abbaye.

Désormais, elle se rend trois ou quatre fois par semaine chez Mme Papineau pour des leçons particulières. C'est une ambiance très différente chez cette dame de cinquante ans, « bien bonne personne, très instruite, mais ayant un peu des allures de vieille fille », qui vit avec sa mère et son chat.

La jeune fille profite de ses nombreux temps libres pour aménager une mansarde des Buissonnets : un « vrai bazar ». Elle y est chez elle et passe des heures à étudier, à dévorer des livres, à méditer et prier.

En juin, pour lui changer les idées, on l'envoie de nouveau à Trouville. Mais sans Céline, elle s'ennuie et tombe malade. Inquiète, sa tante la ramène à Lisieux. Aussitôt, elle recouvre la santé : « ce n'était que la nostalgie des Buissonnets », reconnaît-elle.

En octobre 1886, sa sœur aînée Marie entre également au carmel de Lisieux et devient sœur Marie du Sacré-CœurB 9, tandis que Léonie se fait admettre chez les clarisses. Surpris et peiné, Louis Martin ne conserve avec lui aux Buissonnets que ses deux cadettes.

Après le départ de sa « troisième maman », Thérèse passe par une période dépressive et pleure fréquemment.

Ses crises de scrupules atteignent leur paroxysme et elle ne sait à qui se confier, maintenant que Marie est partie au carmel. Elle prie alors spontanément ses quatre frères et sœurs décédés en bas âges.

Elle s'adresse à eux avec simplicité, leur demandant d'intercéder pour qu'elle recouvre la paix qui l'a quittée. La réponse ne se fait pas attendre et elle se sent aussitôt apaisée : « Je compris que si j'étais aimée sur la terre, je l'étais aussi dans le ciel. »

Malgré cette guérison qui fait disparaître ses scrupules, Thérèse est toujours excessivement émotive : « J'étais vraiment insupportable par ma trop grande émotivité. » L'adolescente qui va avoir quatorze ans peine à sortir de l'enfance, comment pourrait-elle supporter la dure vie des carmélites ? Il faudrait pour cela un miracle.



Scolarité chez les bénédictines

À huit ans et demi, le 3 octobre 1881, Thérèse entre à son tour au pensionnat des bénédictines de Lisieux. Elle revient le soir chez elle, le pensionnat étant proche du domicile familial. Les leçons de Pauline et de Marie lui ont donné de bonnes bases et elle se retrouve en tête de classe.

Cependant, elle découvre la vie collective à laquelle elle n'est pas préparée. Persécutée par des camarades plus âgées qui la jalousent, elle pleure et n'ose se plaindre. Elle n'aime pas l'agitation bruyante des récréations.

Son institutrice la décrit comme une élève obéissante, calme et paisible, parfois songeuse ou même triste. Thérèse affirmera plus tard que ces cinq années furent les plus tristes de sa vie, et qu'elle ne trouvait de réconfort que dans la présence de sa « Céline chérie ».

Thérèse vit comme un soulagement le retour aux Buissonnets le soir après l'école : elle retrouve alors sa famille, son univers familier, sa joie de vivre. Les jeudis et les dimanches deviennent des jours importants.

Avec sa cousine Marie Guérin, elle invente un nouveau jeu : vivre en solitaires au fond du jardin. Ce sont alors des temps de silence, d'oraisons, des rituels inventés auprès de petits autels installés à la buanderie.

Elle aime également la lecture, qui répond à son besoin de calme. Passionnée par les récits chevaleresques, elle éprouve une grande admiration pour Jeanne d'Arc. Elle pense être, elle aussi, née pour la gloire, mais une gloire cachée : le Bon Dieu « me fit comprendre que ma gloire à moi ne paraîtrait pas aux yeux des mortels, qu'elle consisterait à devenir une grande sainte !!!


Le noviciat

Douze jours à peine après sa prise d'habit, son père a une crise particulièrement grave. Il délire, se croit sur un champ de bataille, empoigne un revolver. Il doit être désarmé de force et est interné à l'asile du Bon Sauveur à Caen. Pour les sœurs Martin, qui ont toujours vénéré leur père, l'épreuve est terrible, voire incompréhensible.

Face à tous les commentaires, Thérèse opte pour le silence. Elle s'appuie sur la prière, s'aidant de versets de la Bible. L'analyse graphologique, faite au xxe siècle, de ses lettres la montre dans un état de grande tension, parfois au bord de la rupture.

Dans cette période, elle approfondit le sens de sa vocation : mener une vie cachée, prier et offrir ses souffrances pour les prêtres, oublier son amour-propre, multiplier les actes discrets de charité.

Elle qui veut devenir une grande sainte ne se fait pas d'illusion sur elle-même. Elle écrira : « Je m'appliquais surtout à pratiquer les petites vertus, n'ayant pas la facilité d'en pratiquer les grandes. »

Elle s'imprègne de l'œuvre de Jean de la Croix, lecture spirituelle peu commune à l'époque, surtout pour une si jeune religieuse.

La contemplation de la Sainte Face nourrit sa vie intérieure. Il s'agit d'une image représentant le visage défiguré de Jésus lors de sa passion.

Elle approfondit sa connaissance et son amour pour le Christ en méditant sur son abaissement à l'aide du passage du Livre d'Isaïe sur le serviteur souffrant (Isaïe 53, 1-2).

Elle dira « Moi aussi, je désirais être sans beauté, seule à fouler le vin du pressoir, inconnue de toute créature. » Cette méditation l'aide aussi à comprendre la situation humiliante de son père.

Elle avait toujours vu ce dernier comme une figure de son « Père du Ciel ». Elle découvre désormais l'épreuve de Louis Martin à travers celle du Christ, humilié et méconnaissable.

Thérèse trouve un réconfort dans l'amitié spirituelle forte qu'elle entretient avec la fondatrice du carmel de Lisieux, mère Geneviève.

Celle-ci l'aide et la guide à plusieurs reprises dans sa vie de religieuse. Thérèse en fera plus tard l'éloge : je ne vous ai encore rien dit de mon bonheur d'avoir connu notre sainte mère Geneviève.

C'est une grâce inappréciable que celle-là ; eh bien, le Bon Dieu qui m'en avait déjà tant accordé a voulu que je vive avec une « Sainte », non point inimitable, mais une Sainte sanctifiée par des vertus cachées et ordinaires. »Ainsi, mère Geneviève lui conseille de servir Dieu, « avec paix et avec Joie, rappelez-vous, mon enfant, que notre Dieu, c'est le Dieu de la paix ».

Le 8 septembre 1890, à dix-sept ans et demi, elle fait sa profession religieuse. Cette cérémonie se passe à l'intérieur du carmel. La jeune carmélite rappelle pourquoi elle répond à cette vocation : « Je suis venue pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres. »

Le 24 septembre 1890 a lieu la cérémonie, publique cette fois, de la prise de voile. Son père ne peut y assister, ce qui attriste fortement Thérèse.

C'est toutefois, d'après mère Marie de Gonzague, une religieuse accomplie qui prend le voile : « cette ange d'enfant a 17 ans et demi et la raison de trente ans, la perfection religieuse d'une vieille novice, consommée dans l'âme et la possession d'elle-même, c'est une parfaite religieuse»



Fille d'un couple tenant commerce d'horlogerie et de dentelles d'Alençon, Louis et Zélie Martin, Thérèse perd sa mère à l'âge de quatre ans et demi.

Elle est élevée par ses sœurs aînées Marie et Pauline, qui tour à tour entrent au carmel de Lisieux, faisant revivre à l'enfant le sentiment d'abandon ressenti lors de la perte de leur mère.

Cependant, elle ressent très tôt un appel à la vie religieuse. Surmontant les obstacles, elle aussi entre au carmel de Lisieux à quinze ans.

Après neuf années de vie religieuse, dont les deux dernières passées dans une « nuit de la foi », elle meurt de la tuberculose le 30 septembre 1897 à l'âge de vingt-quatre ans.


Zélie Martin, mère de Thérèse, déjà atteinte du mal qui l'emportera.

Azélie-Marie Guérin — qu'on appellera toujours Zélie, naît le 23 décembre 1831 à Gandelain, village de l'Orne proche du bourg de Saint-Denis-sur-Sarthon. Son père Isidore Guérin (1777-1865), un ancien soldat de la Grande Armée qui s'est battu à Wagram, a suivi Masséna et Soult pendant la guerre d'Espagne, est désormais gendarme à Saint-Denis-sur-Sarthon.

Sa mère, Louise-Jeanne Macé (1805-1859), est une paysanne assez rude. Zélie a une sœur aînée, Marie-Louise (1829-1877). Son frère Isidore (1841-1909) naît dix ans plus tardA 3.

En septembre 1844, ses parents s'installent à Alençon. Zélie et Marie-Louise reçoivent une formation soignée au pensionnat des religieuses des Sacrés-Cœurs de Picpus. Intelligente et travailleuse, Zélie garde de son éducation austère une tendance au scrupule, bien dans la spiritualité de l'époqueA .

Les relations avec sa mère sont difficiles et elle ne conservera pas le souvenir d'une enfance heureuse, elle écrira même : « Mon enfance, ma jeunesse ont été tristes comme un linceul ».

Elle ressent assez tôt un appel à la sainteté, que tempère pourtant son robuste bon sens : « Je veux devenir une sainte, ce ne sera pas facile ». Elle songe alors à entrer à l'Hôtel-Dieu d'Alençon comme religieuse, mais la supérieure l'en dissuade

Déçue, elle devient dentellièreet se révèle particulièrement douée pour la confection de dentelle au point d'Alençon, travail délicat et minutieux.

En 1853, âgée seulement de 22 ans, elle ouvre une boutique avec Marie-Louise. Mais sa sœur la quitte pour entrer au couvent des Visitandines du Mans sous le nom de sœur Marie-Dosithée.



Louis Martin, père de Thérèse, un homme doux et fort.

Louis Martin naît le 22 août 1823 à Bordeaux, fils de Pierre-François Martin (1777-1865) et de Fanie Boureau (1780-1883). Dernier d'une famille de trois filles et deux garçons, il est élevé au hasard des garnisons de son père, militaire de carrière.

Après ses études, Louis apprend le métier d'horlogerSA 3. Vers 22 ans, attiré par la vie monastique, il demande à entrer au monastère du Grand-Saint-Bernard ; mais sa candidature est refusée car il ignore le latin.

Il séjourne alors trois ans à Paris, puis s'installe à Alençon chez ses parents qui occupent un magasin d'horlogerie-bijouterie rue du Pont-Neuf

Pendant huit années, il mène une vie laborieuse, calme et méditative. Ses distractions consistent en de longues séances de pêche, quelques parties de chasses et les soirées avec ses amis au Cercle Catholique "Vital Romet".

Sa foi demeure vive, c'est un chrétien fervent : messes le dimanche et en semaine, adoration du Saint-Sacrement, pèlerinages. Il achète à Alençon le Pavillon une tour entourée d'un terrain, pour jardiner, lire et méditer. À 34 ans, il est encore célibataire, au grand désespoir de sa mère



Première communion et confirmation

Par prudence, on prolonge la convalescence de Thérèse jusqu'aux grandes vacances, qui sont l'occasion pour elle de quitter Lisieux et de faire son « entrée dans le monde ». Pour la première fois, elle retrouve Alençon et les lieux de son enfance, mais aussi la tombe de sa mère.

Partout, les Martin sont reçus par les amis de la famille, la bonne bourgeoisie d'Alençon : « Tout était fête autour de moi, j'étais fêtée, choyée, admirée. » Thérèse, qui paraît bien remise de sa maladie, apprécie particulièrement ce monde nouveau pour elle, plein de charmes et de tentations. Elle se laisse éblouir, mais n'oublie pas pour autant Pauline et le carmel de Lisieux.

Octobre 1883 : c'est la rentrée scolaire avec, enfin; la perspective tant attendue de la première communion. Tout au long de l'année, Thérèse est première en catéchisme. Elle se prépare également aux Buissonnets.

Chaque semaine, Pauline lui écrit du carmel : elle conseille à sa sœur des sacrifices quotidiens et des prières à offrir à Jésus. Thérèse prend ces listes très au sérieux et s'applique à les suivre scrupuleusement

Elle se confie à Marie, qui l'aide en suivant la spiritualité de saint François de Sales. La communion est fixée au 8 mai 1884, jour également de la profession de Pauline. C'est une période « sans nuages » pour Thérèse.

Pendant la messe de première communion, Thérèse pleure abondamment : larmes de joie et non de peine. Elle décrira parfaitement toute l'intensité de cette première rencontre mystique : « Ah ! Qu'il fut doux le premier baiser de Jésus à mon âme !… Ce fut un baiser d'amour, je me sentais aimée, et je disais aussi : "Je vous aime, je me donne à vous pour toujours."

Il n'y eut pas de demandes, pas de luttes, pas de sacrifices ; depuis longtemps, Jésus et la pauvre petite Thérèse s'étaient regardés et s'étaient compris. » En recevant l'hostie, elle se sent également et pour toujours en communion avec sa mère au ciel et sa sœur au carmel.

La profondeur spirituelle de cette journée n'empêche pas la communiante d'apprécier la fête de famille ainsi que les nombreux cadeaux qu'elle reçoitD 28.

Thérèse a hâte de pouvoir à nouveau recevoir l'eucharistie, mais la communion est alors soumise à la permission du confesseur. Contre toute espérance, l'abbé Domin l'autorise à communier pour la seconde fois deux semaines plus tard : le 22 mai 1884, jour de l'Ascension.

Pendant l'année qui suit, elle reçoit de grandes grâces, mais aussi l'intuition que des souffrances l'attendent. Elle se sent prête à les affronter et éprouve même « un grand désir de la souffrance », tandis que les doutes et scrupules nés de sa maladie disparaissent.

Le 14 juin 1884, elle est confirmée par Mgr Flavien-Abel-Antoine Hugonin, évêque de Lisieux. Sa marraine de confirmation est sa sœur Léonie.

En recevant le Saint-Esprit, la jeune confirmée est émerveillée par ce « sacrement d'Amour » qui, elle en est sûre, lui donnera la « force de souffrir ».

Les vacances de l'été 1884 sont splendides : Thérèse passe le mois d'août chez la mère de sa tante. Ce séjour dans la campagne normande ravit la jeune fille, comme en témoigne Mme Guérin dans une lettre à son mari : « La figure de Thérèse est toujours rayonnante de bonheur. »

Après ces excellentes vacances, la jeune fille fait sa rentrée en octobre 1884. Une année scolaire sans histoire, même si elle souffre toujours de la dissipation de certaines camarades de classe.

Sa maîtresse se souviendra d'elle comme d'une élève douce et sensible, prompte à fondre en larmes lorsqu'elle n'est pas la première



Départ de Pauline au carmel

Au cours de l'été 1882, Thérèse a neuf ans. Elle apprend fortuitement que sa sœur Pauline veut entrer au Carmel. La perspective du départ de sa « seconde maman », la pousse au désespoir : « […] l'ayant appris par surprise, ce fut comme si un glaive s'était enfoncé dans mon cœur »

Pauline, cherchant à la consoler, décrit à sa sœur la vie d'une carmélite. Thérèse se sent alors appelée elle aussi au carmel, elle écrira : « Je sentis que le Carmel était le désert où le Bon Dieu voulait que j’aille aussi me cacher…

Je le sentis avec tant de force qu’il n’y eut pas le moindre doute dans mon cœur : ce n’était pas un rêve d'enfant qui se laisse entraîner, mais la certitude d’un appel Divin ; je voulais aller au Carmel, non pour Pauline, mais pour Jésus seul… »

Un dimanche, à l'occasion d'une visite au carmel de Lisieux, elle parvient à parler seule à la supérieure, mère Marie de Gonzague. Celle-ci « croit à sa vocation », mais n'accepte pas de postulante âgée de moins de seize ans. Thérèse attendra : elle sait désormais qu'elle a trouvé sa voie.

C'est le lundi 2 octobre 1882 que Pauline entre au carmel de Lisieux, où elle prend le nom de « sœur Agnès de Jésus ». Journée d'autant plus triste pour Thérèse, qu'elle doit également reprendre le chemin de l'école pour une nouvelle année. Sautant une classe, elle entre en 3e, où l'on prépare la première communion.

L'instruction religieuse sera l'une des matières importantes, une matière dans laquelle Thérèse excelle. La perspective de la communion, tant attendue, est pour elle un rayon de soleil.

Mais, comble de malheur, elle en est exclue à cause d'un règlement récent de l'évêché qui fixe l'âge des communiantes. L'oncle Isidore n'hésite pas à se rendre à Bayeux pour solliciter une dispense de l'évêque, mais il rentre bredouille

Même la demi-heure que la supérieure accorde à Pauline pour rencontrer sa famille au parloir chaque jeudi devient pour Thérèse un supplice. La jeune carmélite la néglige un peu, et il ne reste souvent que deux ou trois minutes pour lui parler : « Ah ! ce que j'ai souffert à ce parloir du carmel ! » À dix ans, il lui semble perdre sa mère pour la seconde fois : « Je me disais au fond de mon cœur : « Pauline est perdue pour moi !!! »



 Aggravation de la maladie


Janvier 1897, Thérèse vient d'avoir vingt-quatre ans et elle écrit : « je crois que ma course ne sera pas longue ».

Pourtant, malgré l'aggravation de la maladie pendant l'hiver, Thérèse parvient encore à donner le change aux carmélites et à tenir sa place dans la communauté.

Mais au printemps, les vomissements, les fortes douleurs à la poitrine, les crachements de sang deviennent quotidiens et Thérèse s'affaiblit.

En avril 1897, elle subit le contrecoup de l'affaire Diana Vaughan. Celle-ci est connue depuis 1895 par ses mémoires, racontant son passage dans les milieux sataniques, suivi de sa conversion grâce à l'exemple de Jeanne d'Arc.

Thérèse, frappée comme beaucoup de catholiques par ce témoignage, et admirative d'une prière composée par Diana Vaughan, lui a envoyé quelques lignes.

Et Mère Agnès a joint au courrier une photo de Thérèse jouant le rôle de Jeanne d'Arc Thérèse a aussi écrit, en juin 1896, une courte pièce de théâtre, s'inspirant de la conversion de Diana Vaughan, et intitulée

Le Triomphe de l'humilité. Diana Vaughan vivant cachée, c'est un nommé Léo Taxil, ancien anticlérical, converti lui aussi, qui est son intermédiaire auprès de la presse.

Mais, à partir de 1896, on se met à douter de sa sincérité. Léo Taxil annonce alors, pour le 19 avril 1897, une conférence qu'il donnera avec la célèbre jeune femme.

Lors de cette séance publique, il révèle que Diana Vaughan n'a jamais existé et que cette histoire est un canular monté de toute pièce. L'assistance est scandalisée. Au carmel, on apprend la nouvelle le 21 avril.

Et le 24, Thérèse découvre que la photo la représentant en Jeanne d'Arc a été projetée lors de la conférenceF 23. Elle vit cet épisode comme une humiliation, et une épreuve, surtout dans cette période où elle est tenaillée par les doutes

En juin, mère Marie de Gonzague lui demande de poursuivre la rédaction de ses mémoires. Il lui arrive d'écrire dans le jardin, sur la chaise d'infirme utilisée par son père dans les dernières années de sa maladie, et cédée ensuite au carmel.

Son état empirant, elle est placée le 8 juillet 1897 à l'infirmerie, où elle restera pendant douze semaines jusqu'à sa mort

Se sachant condamnée, et vivant toujours cette nuit de la foi qui la prive de l'impression intérieure d'une vie après la mort, Thérèse n'en continue pas moins de dire, à plusieurs reprises, son espérance.

Le 17 juillet, elle confie : « Je sens que je vais entrer dans le repos… Mais je sens surtout que ma mission va commencer, ma mission de faire aimer le bon Dieu comme je l'aime, de donner ma petite voie aux âmes.

Si le bon Dieu exauce mes désirs, mon Ciel se passera sur la terre jusqu'à la fin du monde. Oui, je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre. »

Le 17 août, le docteur La Néele examine Thérèse. Son diagnostic est sans appel : c'est une tuberculose au stade le plus avancé, un poumon est perdu et l'autre atteint, les intestins sont touchés.

Ses souffrances sont alors extrêmes : « C'est à en perdre la raison. » Puis elles s'apaisent dans une dernière phase de rémission ; Thérèse reprend quelques forces, elle retrouve même son humour. Ses sœurs consignent ses paroles.

Elles lui demandent comment l'invoquer quand elles prieront plus tard ; elle répond qu'il faudra l'appeler « petite Thérèse »,

À partir du 29 septembre 1897, son agonie commence. Elle passe une dernière nuit difficile, veillée par ses sœurs. Au matin, elle leur dit : « C'est l'agonie toute pure, sans aucun mélange de consolation. » Elle demande à être préparée spirituellement à mourir.

Mère Marie de Gonzague la rassure, lui disant qu'ayant toujours pratiqué l'humilité, sa préparation était faite. Thérèse réfléchit un instant puis répond : « Oui, il me semble que je n'ai jamais cherché que la vérité ; oui, j'ai compris l'humilité du cœur… » Sa respiration est de plus en plus courte, elle étouffe.

Après plus de deux jours d'agonie, elle est épuisée par la douleur : « Jamais je n'aurais cru qu'il était possible de tant souffrir ! Jamais ! Jamais ! Je ne puis m'expliquer cela que par le désir ardent que j'ai eu de sauver des âmes. »

Vers sept heures du soir, elle prononce ses dernières paroles « Oh ! je l'aime ! … Mon Dieu … Je vous aime … » Elle s'affaisse, puis rouvre une dernière fois les yeux. D'après les carmélites présentes, elle a alors une extase, qui dure l'espace d'un credo, avant de rendre le dernier soupir.

Elle meurt le 30 septembre 1897 à 19 h 20, à l'âge de vingt-quatre ans. « Je ne meurs pas, j'entre dans la vie », écrivait-elle dans l'une de ses dernières lettres

Elle est inhumée le 4 octobre au cimetière de Lisieux, dans une nouvelle concession acquise pour le carmel. Les carmélites ne peuvent quitter le couvent, et c'est un « fort petit » cortège qui suit le corbillard 



Autorisation de l'évêque

Dès le lendemain du retour, Thérèse se rend au parloir du carmel, où l'on met au point une stratégie. Mais le chanoine Delatroëtte reste intraitable et se méfie des manœuvres des carmélites.

Il rabroue mère Geneviève, la fondatrice du carmel de Lisieux, et mère Marie de Gonzague, l'actuelle mère supérieure, venues plaider la cause de Thérèse. M. Guérin intervient à son tour, mais en vain. Le 14 décembre,

Thérèse écrit à Mgr Flavien-Abel-Antoine Hugonin et à son vicaire général, à qui elle rappelle la promesse faite à Nice. Humainement, tout a été tenté ; il faut désormais attendre et prier.

Le soir de Noël, date anniversaire de sa conversion, Thérèse assiste à la messe de minuit. Elle ne peut retenir ses larmes, mais elle sent que l'épreuve fait grandir sa foi et son abandon à la volonté divine : elle a eu tort de vouloir imposer une date.

Enfin, le 1er janvier 1888, veille de ses quinze ans, elle reçoit une lettre de mère Marie de Gonzague : l'évêque s'en remet à sa décision. Thérèse est donc attendue au carmel mais, ultime délai fixé sur les conseils de Pauline, elle ne pourra entrer qu'en avril, après les rigueurs du carême. Cette attente est une nouvelle épreuve pour la future postulante, qui y voit pourtant une occasion de se préparer intérieurement.

La date de son départ est finalement fixée au 9 avril 1888, jour de l'Annonciation. Thérèse aura alors quinze ans et trois mois. On peut noter qu'à l'époque, une jeune fille pouvait faire sa profession religieuse à dix-huit ans.

Il n'était donc pas rare de voir, dans les ordres religieux, des postulantes et des novices ayant à peine seize ans. La précocité de Thérèse, au regard des habitudes de l'époque, n'est donc pas exceptionnelle




Reliquaire de Thérèse de Lisieux : gisant en cire la représentant sur son lit de mort.

Dans la chapelle latérale se trouve la châsse où repose le gisant de marbre de Thérèse en carmélite. Dessous, une partie de ses ossements est contenue dans un reliquaire.

Le Carmel que Thérèse a connu a bénéficié de modifications successives. Les dernières qui datent de 2008 ont permis de restaurer la chapelle et d’aménager un important espace de visite. L’exposition d’objets et des projections de films permettent de mieux connaître et comprendre la vie des carmélites au temps de Thérèse et d’aujourd’hui.

Chaque année, le dernier week-end de septembre, une procession solennelle transporte les reliques de sainte Thérèse à travers la ville.

En 1835, la supérieure du Carmel de Pont-Audemer, soumet l’idée d’établir un monastère à Lisieux. Elle propose à deux candidates, les sœurs Gosselin, de consacrer leur fortune à la fondation du Carmel.

C’est ainsi qu’en mars 1838, trois novices et deux professes arrivent à Lisieux. Mère Elisabeth de saint Louis décédant quatre ans plus tard, c’est sœur Geneviève de Sainte-Thérèse qui prend la charge de Prieure de façon quasi continue de 1842 à 1886.

Aussi est-elle regardée comme la véritable mère et fondatrice du carmel de Lisieux.
Une quarantaine d’années ont été nécessaires pour édifier le monastère qui présente un ensemble de constructions géométriques en briques. Le carré conventuel est constitué de la chapelle, du chœur des moniales et d’un cloître.

Dans les ailes du cloître on retrouve une vingtaine de cellules et les principaux lieux de vie. Derrière, un petit jardin est longé par une jolie et courte allée de marronniers.


Considérée par Pie XI comme l'« étoile de son pontificat », elle est béatifiée puis canonisée dès 1925. Religieuse cloîtrée, elle est paradoxalement déclarée sainte patronne des missions et, avec Jeanne d'Arc, canonisée en 1920, proclamée « Patronne Secondaire de la France ».

Enfin, elle est proclamée Docteur de l'Église par Jean-Paul II en 1997 pour le centenaire de sa mort.


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