No sentí nada
Romeyn de Hooghe (1645 – 1708) Tales of Jean de La Fontaine 1685
Pour fêter comme il se doit le premier anniversaire de l’arrivée en enfer du défunt Fidel Castro, je reproduis ici l’article que j’ai publié alors dans le quotidien « Le Monde », dont la version en espagnol est sortie sur le site web « Cubanet ». Je n’ai rien ressenti à l’époque, je ne ressens toujours rien. J’ai seulement un espoir, celui de voir un jour Cuba libre.
Para festejar como se debe el primer aniversario de la llegada al infierno del difunto Fidel Castro, cuelgo aquí el artículo que publiqué en ese momento en el diario “Le Monde”, cuya versión en español salió en el sitio web “Cubanet”. No sentí nada en aquel entonces, sigo sin sentir absolutamente nada. Sólo tengo una esperanza, la de ver un día una Cuba libre.
Jacobo Machover
Leur Histoire contre notre Liberté
Je n’ai rien ressenti à l’annonce de la mort de Fidel Castro ce 25 novembre 2016, peu avant minuit, heure de Cuba.
Aucune tristesse, évidemment - je laisse ce sentiment aux pleurnichards ignorants qui rendent un hommage grotesque au dictateur devant la statue du libertador vénézuélien Simón Bolívar qui, soit dit en passant, n’a été pour rien dans la lutte pour l’indépendance de l’île, dont le symbole est un autre combattant pour la liberté, Cubain celui-là, le grand poète et démocrate convaincu José Martí, qui écrivait ces vers parfaitement adaptés à Fidel, qui entendait se présenter comme son disciple : « Du tyran ? Du tyran / Dis tout, dis plus encore / Et cloue / D’une main esclave en furie / Le tyran à son infamie. »
Aucune joie, non plus - cette annonce a mis trop de temps, au moins dix ans depuis que, le 31 juillet 2006, Fidel, gravement malade, a transmis le pouvoir à son successeur désigné depuis 1959, son demi-frère Raúl, un homme aussi cruel que lui. La grande discussion à Cuba, à voix basse bien sûr, a toujours été de savoir lequel des deux est le pire, si Fidel ou Raúl. Je comprends l’allégresse de certains de mes compatriotes exilés, qui tient davantage d’un exutoire que d’un véritable bonheur. Mais le castrisme est toujours vivant bien que décrépit.
Je pense à tous ceux qui n’ont pas survécu au Commandant en chef, que tant de chefs d’État célèbrent aujourd’hui : les anciens prisonniers politiques, qui avaient souvent figuré parmi ses compagnons de lutte contre la dictature de Batista et ont ensuite passé vingt ou trente ans dans ses geôles avant d’être envoyés en exil, les fugitifs (les balseros) qui ont tenté de traverser le détroit de la Floride sur des embarcations rustiques, et sont morts dévorés par les requins ou assassinés par les garde-côtes et autres sbires du régime, comme les dizaines de victimes du remorqueur 13 de marzo, attaqué à la lance à eau en 1994. Il y a les descendants des fusillés, par exemple les soixante-douze exécutés par Raúl Castro à Santiago de Cuba dans la nuit du 12 au 13 janvier 1959, enterrés dans une fosse commune puis déterrés pour être jetés à la mer dans le but de faire disparaître toute trace du crime, ceux aussi de la prison de La Cabaña à La Havane, dont le commandement revenait à ce guérillero argentin atrocement romantique, Ernesto Che Guevara. Il y a eu tant d’autres victimes… Par exemple, le valeureux dissident Oswaldo Payá, prix Sakharov pour les droits de l’homme, mort en 2012 avec son compagnon de lutte Harold Cepero des suites d’un « accident de la route », provoqué sans aucun doute par un véhicule de la Seguridad, la Sécurité de l’État, la sinistre police politique.
Il y a eu également tous ces écrivains et intellectuels morts en exil, qui ont tous accusé Fidel Castro d’être responsable de leur malheur : Reinaldo Arenas, Heberto Padilla, Guillermo Cabrera Infante, Severo Sarduy, Néstor Almendros, Jorge Camacho, Juan Arcocha et tant d’autres… Je les entends crier leur haine, parfois avec sarcasme, et manifester leur mépris envers tous ceux, innombrables, qui ont tressé des louanges aux bourreaux, à l’instar d’un Jean-Paul Sartre ou d’un Gabriel García Márquez. Ces exilés, le meilleur de Cuba, ont été traités de « vers de terre » (gusanos) par le castrisme et ses sympathisants. Nous tous, nous avons dû faire face au mépris, à l’ostracisme des bienpensants, des institutions culturelles et académiques qui, en France aussi, ont préféré donner la parole, par exemple, à un Ignacio Ramonet, biographe complaisant de Fidel et de Hugo Chávez, qu’aux critiques des exilés. Pour eux, Fidel incarnait la « résistance » à l’ « impérialisme » américain. Ils ont tort : les résistants, ce sont ceux qui ont dû supporter leur aveuglement coupable, leur silence complice devant l’injustice déguisée en utopie.
Pour tous les admirateurs des frères Castro et de Che Guevara, il est de bon ton de se montrer en public, sans la moindre réserve, comme ils l’ont fait lors du séjour en mai 2015 à La Havane de François Hollande, au cours duquel le président a posé tout sourire avec Fidel, ou lors de la réception en grande pompe de Raúl à l’Élysée, au milieu de deux cents invités, chanteurs, chefs d’entreprise, militants communistes et d’extrême-gauche, hommes politiques proches du pouvoir socialiste et même de l’opposition. Sont-ils naïfs au point de croire que personne ne va leur reprocher leurs courbettes devant un homme qui est tout sauf un démocrate ?
Les dirigeants des pays démocratiques occidentaux, ceux des États-Unis et ceux de l’Union Européenne, qui se prépare à lever ses sanctions contre Cuba, pourtant adoptées parce que le pays ne respectait pas les droits de l’homme, font semblant de croire que Cuba se dirige vers une voie plus démocratique. Sous la botte de Raúl Castro ou de sa progéniture, qui se prépare à prendre la relève, lorsque le cadet ira rejoindre son aîné dans l’au-delà ?
Le rapprochement diplomatique des États-Unis avec Cuba n’est que de la poudre aux yeux. En tout cas, Barack Obama a adoubé Raúl Castro auprès de la communauté internationale. Pour autant, la répression n’a pas cessé dans l’île. Pire : elle s’est aggravée. Les Damas de blanco (les « Dames en blanc ») sont embarquées tous les dimanches et relâchées en pleine nature par les hommes et les femmes de la Seguridad après avoir été harcelées et malmenées, afin d’empêcher tout rassemblement d’opposition. Les Cubains, surtout des jeunes, continuent à fuir leur île en balsas ou en tentant, par dizaines de milliers, de rejoindre les États-Unis dans une périlleuse traversée de l’Amérique latine, comme d’autres réfugiés de par le monde, comme s’ils étaient eux aussi en guerre. Qui daigne en parler ?
Nous sommes orgueilleusement seuls. Les dirigeants de la planète se rendront en masse aux funérailles officielles de Fidel Castro, après d’interminables processions mortuaires auxquelles les Cubains de l’île devront assister, contraints et forcés, souvent la mort dans l’âme, parce qu’ils se verront obligés de rendre tribut à l’homme qui a provoqué la tragédie, la division de leur famille, les pénuries extrêmes, les emprisonnements arbitraires, l’exil, la mort.
Fidel Castro va sans doute entrer dans l’Histoire, qui a produit tant de désastres causés par les totalitarismes du XXe siècle et des débuts du XXIe. Le président Obama, dans un message de condoléances qui équivaut à une trahison, en appelle au « jugement de l’Histoire ». Fidel, lui, était certain du verdict : « L’Histoire m’acquittera » avait-il dit en 1953. Si le peuple avait eu l’occasion de s’exprimer au cours d’élections dignes de ce nom, sans Parti unique, sans presse aux ordres, sans Chef suprême, cela fait bien longtemps qu’il aurait fini dans les poubelles de cette terrible Histoire. Nous, les Cubains de l’île et de l’exil, nous aspirons simplement à autre chose : la Liberté.
Aucune tristesse, évidemment - je laisse ce sentiment aux pleurnichards ignorants qui rendent un hommage grotesque au dictateur devant la statue du libertador vénézuélien Simón Bolívar qui, soit dit en passant, n’a été pour rien dans la lutte pour l’indépendance de l’île, dont le symbole est un autre combattant pour la liberté, Cubain celui-là, le grand poète et démocrate convaincu José Martí, qui écrivait ces vers parfaitement adaptés à Fidel, qui entendait se présenter comme son disciple : « Du tyran ? Du tyran / Dis tout, dis plus encore / Et cloue / D’une main esclave en furie / Le tyran à son infamie. »
Aucune joie, non plus - cette annonce a mis trop de temps, au moins dix ans depuis que, le 31 juillet 2006, Fidel, gravement malade, a transmis le pouvoir à son successeur désigné depuis 1959, son demi-frère Raúl, un homme aussi cruel que lui. La grande discussion à Cuba, à voix basse bien sûr, a toujours été de savoir lequel des deux est le pire, si Fidel ou Raúl. Je comprends l’allégresse de certains de mes compatriotes exilés, qui tient davantage d’un exutoire que d’un véritable bonheur. Mais le castrisme est toujours vivant bien que décrépit.
Je pense à tous ceux qui n’ont pas survécu au Commandant en chef, que tant de chefs d’État célèbrent aujourd’hui : les anciens prisonniers politiques, qui avaient souvent figuré parmi ses compagnons de lutte contre la dictature de Batista et ont ensuite passé vingt ou trente ans dans ses geôles avant d’être envoyés en exil, les fugitifs (les balseros) qui ont tenté de traverser le détroit de la Floride sur des embarcations rustiques, et sont morts dévorés par les requins ou assassinés par les garde-côtes et autres sbires du régime, comme les dizaines de victimes du remorqueur 13 de marzo, attaqué à la lance à eau en 1994. Il y a les descendants des fusillés, par exemple les soixante-douze exécutés par Raúl Castro à Santiago de Cuba dans la nuit du 12 au 13 janvier 1959, enterrés dans une fosse commune puis déterrés pour être jetés à la mer dans le but de faire disparaître toute trace du crime, ceux aussi de la prison de La Cabaña à La Havane, dont le commandement revenait à ce guérillero argentin atrocement romantique, Ernesto Che Guevara. Il y a eu tant d’autres victimes… Par exemple, le valeureux dissident Oswaldo Payá, prix Sakharov pour les droits de l’homme, mort en 2012 avec son compagnon de lutte Harold Cepero des suites d’un « accident de la route », provoqué sans aucun doute par un véhicule de la Seguridad, la Sécurité de l’État, la sinistre police politique.
Il y a eu également tous ces écrivains et intellectuels morts en exil, qui ont tous accusé Fidel Castro d’être responsable de leur malheur : Reinaldo Arenas, Heberto Padilla, Guillermo Cabrera Infante, Severo Sarduy, Néstor Almendros, Jorge Camacho, Juan Arcocha et tant d’autres… Je les entends crier leur haine, parfois avec sarcasme, et manifester leur mépris envers tous ceux, innombrables, qui ont tressé des louanges aux bourreaux, à l’instar d’un Jean-Paul Sartre ou d’un Gabriel García Márquez. Ces exilés, le meilleur de Cuba, ont été traités de « vers de terre » (gusanos) par le castrisme et ses sympathisants. Nous tous, nous avons dû faire face au mépris, à l’ostracisme des bienpensants, des institutions culturelles et académiques qui, en France aussi, ont préféré donner la parole, par exemple, à un Ignacio Ramonet, biographe complaisant de Fidel et de Hugo Chávez, qu’aux critiques des exilés. Pour eux, Fidel incarnait la « résistance » à l’ « impérialisme » américain. Ils ont tort : les résistants, ce sont ceux qui ont dû supporter leur aveuglement coupable, leur silence complice devant l’injustice déguisée en utopie.
Pour tous les admirateurs des frères Castro et de Che Guevara, il est de bon ton de se montrer en public, sans la moindre réserve, comme ils l’ont fait lors du séjour en mai 2015 à La Havane de François Hollande, au cours duquel le président a posé tout sourire avec Fidel, ou lors de la réception en grande pompe de Raúl à l’Élysée, au milieu de deux cents invités, chanteurs, chefs d’entreprise, militants communistes et d’extrême-gauche, hommes politiques proches du pouvoir socialiste et même de l’opposition. Sont-ils naïfs au point de croire que personne ne va leur reprocher leurs courbettes devant un homme qui est tout sauf un démocrate ?
Les dirigeants des pays démocratiques occidentaux, ceux des États-Unis et ceux de l’Union Européenne, qui se prépare à lever ses sanctions contre Cuba, pourtant adoptées parce que le pays ne respectait pas les droits de l’homme, font semblant de croire que Cuba se dirige vers une voie plus démocratique. Sous la botte de Raúl Castro ou de sa progéniture, qui se prépare à prendre la relève, lorsque le cadet ira rejoindre son aîné dans l’au-delà ?
Le rapprochement diplomatique des États-Unis avec Cuba n’est que de la poudre aux yeux. En tout cas, Barack Obama a adoubé Raúl Castro auprès de la communauté internationale. Pour autant, la répression n’a pas cessé dans l’île. Pire : elle s’est aggravée. Les Damas de blanco (les « Dames en blanc ») sont embarquées tous les dimanches et relâchées en pleine nature par les hommes et les femmes de la Seguridad après avoir été harcelées et malmenées, afin d’empêcher tout rassemblement d’opposition. Les Cubains, surtout des jeunes, continuent à fuir leur île en balsas ou en tentant, par dizaines de milliers, de rejoindre les États-Unis dans une périlleuse traversée de l’Amérique latine, comme d’autres réfugiés de par le monde, comme s’ils étaient eux aussi en guerre. Qui daigne en parler ?
Nous sommes orgueilleusement seuls. Les dirigeants de la planète se rendront en masse aux funérailles officielles de Fidel Castro, après d’interminables processions mortuaires auxquelles les Cubains de l’île devront assister, contraints et forcés, souvent la mort dans l’âme, parce qu’ils se verront obligés de rendre tribut à l’homme qui a provoqué la tragédie, la division de leur famille, les pénuries extrêmes, les emprisonnements arbitraires, l’exil, la mort.
Fidel Castro va sans doute entrer dans l’Histoire, qui a produit tant de désastres causés par les totalitarismes du XXe siècle et des débuts du XXIe. Le président Obama, dans un message de condoléances qui équivaut à une trahison, en appelle au « jugement de l’Histoire ». Fidel, lui, était certain du verdict : « L’Histoire m’acquittera » avait-il dit en 1953. Si le peuple avait eu l’occasion de s’exprimer au cours d’élections dignes de ce nom, sans Parti unique, sans presse aux ordres, sans Chef suprême, cela fait bien longtemps qu’il aurait fini dans les poubelles de cette terrible Histoire. Nous, les Cubains de l’île et de l’exil, nous aspirons simplement à autre chose : la Liberté.
Jacobo Machover Écrivain et universitaire, exilé en France. Auteur de Cuba : une utopie cauchemardesque (Les Éditions de Paris – Max Chaleil) et de La face cachée du Che (Buchet-Chastel, réédition chez Armand Colin début 2017).
La libertad contra la historia
No sentí nada a raíz del anuncio de la muerte de Fidel Castro
Miércoles, noviembre 30, 2016 | Jacobo Machover | 22
Marcha del exilio cubano por la calle Ocho, Miami (El Nuevo Herald/Archivo)
PARIS, Francia.- No sentí nada a raíz del anuncio de la muerte de Fidel Castro este 25 de noviembre de 2016, alrededor de la medianoche, hora de Cuba.
Ninguna tristeza, por supuesto —les dejo ese sentimiento a los llorones ignorantes que en París le rindieron un homenaje grotesco al dictador ante la estatua del libertador venezolano Simón Bolívar quien, dicho sea de paso, no tuvo ningún protagonismo en la lucha por la independencia de la isla, cuyo símbolo es otro combatiente por la libertad, el poeta y demócrata cubano José Martí. Martí escribía estos versos, que se adaptan perfectamente a Fidel, quien ha intentado presentarse a sí mismo como su discípulo:
“¿Del tirano? Del tirano
Di todo, ¡di más!, y clava
Con furia de mano esclava
Sobre su oprobio al tirano.”
Ninguna alegría, tampoco: el anuncio tardó demasiado, al menos diez años desde el 31 de julio de 2006, día en que Fidel, enfermo de gravedad, le delegó el poder a su sucesor designado desde 1959, su medio hermano Raúl, tan cruel como él. La gran discusión en Cuba siempre ha consistido en saber cuál de los dos es peor. Entiendo el júbilo que pueden sentir algunos de mis compatriotas exilados, que es más un sentimiento de desahogo que de felicidad real. Pero el castrismo, aunque decrépito, sigue vivo.
Pienso en todos aquellos que no le sobrevivieron al Comandante en Jefe, al que tantos jefes de Estado celebran hoy día: los expresos políticos que a menudo habían sido sus compañeros de lucha contra la dictadura de Batista y luego pasaron veinte o treinta años en sus mazmorras antes de ser desterrados, los fugitivos, principalmente los balseros que intentaron cruzar el estrecho de Florida y murieron devorados por los tiburones o asesinados por los guardacostas y otros esbirros del régimen, al igual que las decenas de víctimas del remolcador 13 de marzo, atacado con potentes chorros de agua en 1994. Están los descendientes de los fusilados, por ejemplo los setenta y dos ajusticiados por Raúl en Santiago de Cuba durante la noche del 12 al 13 de enero, cuyos cuerpos fueron enterrados en una fosa común y desenterrados años más tarde para hacer desaparecer las huellas del crimen en el mar. Y también los de la cárcel-fortaleza de La Cabaña en La Habana, al mando de aquel guerrillero argentino atrozmente romántico, Ernesto Che Guevara. Hubo tantas otras víctimas… como el valiente disidente Oswaldo Payá, premio Sajárov para los derechos humanos, y su compañero Harold Cepero, muertos en 2012 como consecuencia de un “accidente” de tráfico, provocado sin duda alguna por un vehículo de la la Seguridad del Estado, la siniestra policía política.
Hay que mencionar también a todos los escritores, artistas e intelectuales muertos en el exilio, quienes designaron a Fidel Castro como responsable de sus desgracias: Reinaldo Arenas, Heberto Padilla, Guillermo Cabrera Infante, Severo Sarduy, Néstor Almendros, Jorge Camacho, Juan Arcocha… Los estoy oyendo gritar su odio, a veces con cierto sarcasmo, y manifestar su desprecio hacia todos los que se dedicaron a elogiar sin límites a los verdugos, como lo hicieron Jean-Paul Sartre o Gabriel García Márquez. A esos exilados, lo mejor de Cuba, los propagandistas y simpatizantes del castrismo los tildaron de “gusanos”. Todos nosotros tuvimos que enfrentar el ostracismo al que nos quisieron condenar los que creían detener el monopolio del pensamiento correcto, las instituciones culturales y académicas que prefieren escuchar, por ejemplo, a un Ignacio Ramonet, biógrafo complaciente y ramplón de Fidel Castro y de Hugo Chávez, más que a los opositores. Para ellos, Fidel significaba la “resistencia” al “imperialismo” americano. Están equivocados: los resistentes son los que tuvieron que aguantar su ceguera culpable, su silencio cómplice ante la injusticia disfrazada de utopía.
A todos los admiradores de los hermanos Castro y del Che Guevara, les es grato exhibirse en público, sin reservas, como lo hicieron durante la estancia de François Hollande en La Habana en mayo de 2015, cuando el presidente francés posó ante los fotógrafos con una inmensa sonrisa al lado de Fidel, o durante la recepción, a bombo y platillo, de Raúl en el palacio del Elíseo en París, en febrero de 2016, en medio de doscientos invitados, cantantes, empresarios, militantes comunistas y de extrema izquierda, políticos cercanos al poder socialista o, incluso, a la oposición de derecha. ¿Serán así de ingenuos en pensar que nadie se va a atrever a criticarles sus genuflexiones ante un hombre que no es para nada un demócrata?
Los dirigentes de los países occidentales, tanto de Estados Unidos como de los países de la Unión Europea, que se prepara a levantar las sanciones contra Cuba recogidas en la Posición común, que fueron adoptadas porque el país no respetaba los derechos humanos, quieren creer que Cuba se dirige hacia una vía más democrática. ¿Bajo la férula de Raúl Castro o de sus vástagos que se preparan a tomar el relevo cuando el hermano pequeño se vaya a juntar con el mayor en el más allá?
El acercamiento diplomático de Barack Obama con Cuba no es más que una cortina de humo. En realidad, Obama legitimó a Raúl Castro ante la comunidad internacional. Pero la represión no cesó en la isla. Más: se agravó. Las Damas de blanco son apresadas cada domingo y soltadas lejos de su domicilio después de haber sido hostigadas y maltratadas por los hombres y las mujeres de la Seguridad del Estado, para impedir cualquier manifestación contraria al régimen. Los cubanos siguen huyendo de su isla en balsas o intentando, por decenas de miles, llegar a Estados Unidos emprendiendo una peligrosa travesía de América latina, como todos aquellos refugiados en otras zonas del mundo, como si ellos también estuvieran en guerra. ¿Quién se digna en hablar de ello?
Seguimos orgullosamente solos. Los dirigentes de todo el planeta irán en masa a los funerales oficiales de Fidel Castro, después de las interminables procesiones a las que los cubanos de la isla tendrán que asistir forzados, a regañadientes, ya que van a tener que rendirle pleitesía al hombre que provocó la tragedia, la división familiar, la escasez extrema, los encarcelamientos arbitrarios, el exilio, la muerte.
Fidel Castro, sin lugar a dudas, va a entrar en la Historia, que llevó a tantos desastres causados por los totalitarismos del siglo 20 y principios del siglo XXI. El presidente Obama, en un mensaje de pésame que suena como una traición, se refiere al “juicio de la Historia”. Fidel, por su parte, ya había anticipado la sentencia cuando, en 1953, dijo: “La Historia me absolverá”. Si el pueblo hubiera tenido la oportunidad de expresarse mediante verdaderas elecciones, sin Partido único, sin prensa controlada, sin Líder supremo, hace mucho tiempo ya que hubiera terminado en los estercoleros de esa terrible Historia. Nosotros, los cubanos de la isla y del exilio, aspiramos sencillamente a otra cosa: la Libertad.
PARIS, Francia.- No sentí nada a raíz del anuncio de la muerte de Fidel Castro este 25 de noviembre de 2016, alrededor de la medianoche, hora de Cuba.
Ninguna tristeza, por supuesto —les dejo ese sentimiento a los llorones ignorantes que en París le rindieron un homenaje grotesco al dictador ante la estatua del libertador venezolano Simón Bolívar quien, dicho sea de paso, no tuvo ningún protagonismo en la lucha por la independencia de la isla, cuyo símbolo es otro combatiente por la libertad, el poeta y demócrata cubano José Martí. Martí escribía estos versos, que se adaptan perfectamente a Fidel, quien ha intentado presentarse a sí mismo como su discípulo:
“¿Del tirano? Del tirano
Di todo, ¡di más!, y clava
Con furia de mano esclava
Sobre su oprobio al tirano.”
Ninguna alegría, tampoco: el anuncio tardó demasiado, al menos diez años desde el 31 de julio de 2006, día en que Fidel, enfermo de gravedad, le delegó el poder a su sucesor designado desde 1959, su medio hermano Raúl, tan cruel como él. La gran discusión en Cuba siempre ha consistido en saber cuál de los dos es peor. Entiendo el júbilo que pueden sentir algunos de mis compatriotas exilados, que es más un sentimiento de desahogo que de felicidad real. Pero el castrismo, aunque decrépito, sigue vivo.
Pienso en todos aquellos que no le sobrevivieron al Comandante en Jefe, al que tantos jefes de Estado celebran hoy día: los expresos políticos que a menudo habían sido sus compañeros de lucha contra la dictadura de Batista y luego pasaron veinte o treinta años en sus mazmorras antes de ser desterrados, los fugitivos, principalmente los balseros que intentaron cruzar el estrecho de Florida y murieron devorados por los tiburones o asesinados por los guardacostas y otros esbirros del régimen, al igual que las decenas de víctimas del remolcador 13 de marzo, atacado con potentes chorros de agua en 1994. Están los descendientes de los fusilados, por ejemplo los setenta y dos ajusticiados por Raúl en Santiago de Cuba durante la noche del 12 al 13 de enero, cuyos cuerpos fueron enterrados en una fosa común y desenterrados años más tarde para hacer desaparecer las huellas del crimen en el mar. Y también los de la cárcel-fortaleza de La Cabaña en La Habana, al mando de aquel guerrillero argentino atrozmente romántico, Ernesto Che Guevara. Hubo tantas otras víctimas… como el valiente disidente Oswaldo Payá, premio Sajárov para los derechos humanos, y su compañero Harold Cepero, muertos en 2012 como consecuencia de un “accidente” de tráfico, provocado sin duda alguna por un vehículo de la la Seguridad del Estado, la siniestra policía política.
Hay que mencionar también a todos los escritores, artistas e intelectuales muertos en el exilio, quienes designaron a Fidel Castro como responsable de sus desgracias: Reinaldo Arenas, Heberto Padilla, Guillermo Cabrera Infante, Severo Sarduy, Néstor Almendros, Jorge Camacho, Juan Arcocha… Los estoy oyendo gritar su odio, a veces con cierto sarcasmo, y manifestar su desprecio hacia todos los que se dedicaron a elogiar sin límites a los verdugos, como lo hicieron Jean-Paul Sartre o Gabriel García Márquez. A esos exilados, lo mejor de Cuba, los propagandistas y simpatizantes del castrismo los tildaron de “gusanos”. Todos nosotros tuvimos que enfrentar el ostracismo al que nos quisieron condenar los que creían detener el monopolio del pensamiento correcto, las instituciones culturales y académicas que prefieren escuchar, por ejemplo, a un Ignacio Ramonet, biógrafo complaciente y ramplón de Fidel Castro y de Hugo Chávez, más que a los opositores. Para ellos, Fidel significaba la “resistencia” al “imperialismo” americano. Están equivocados: los resistentes son los que tuvieron que aguantar su ceguera culpable, su silencio cómplice ante la injusticia disfrazada de utopía.
A todos los admiradores de los hermanos Castro y del Che Guevara, les es grato exhibirse en público, sin reservas, como lo hicieron durante la estancia de François Hollande en La Habana en mayo de 2015, cuando el presidente francés posó ante los fotógrafos con una inmensa sonrisa al lado de Fidel, o durante la recepción, a bombo y platillo, de Raúl en el palacio del Elíseo en París, en febrero de 2016, en medio de doscientos invitados, cantantes, empresarios, militantes comunistas y de extrema izquierda, políticos cercanos al poder socialista o, incluso, a la oposición de derecha. ¿Serán así de ingenuos en pensar que nadie se va a atrever a criticarles sus genuflexiones ante un hombre que no es para nada un demócrata?
Los dirigentes de los países occidentales, tanto de Estados Unidos como de los países de la Unión Europea, que se prepara a levantar las sanciones contra Cuba recogidas en la Posición común, que fueron adoptadas porque el país no respetaba los derechos humanos, quieren creer que Cuba se dirige hacia una vía más democrática. ¿Bajo la férula de Raúl Castro o de sus vástagos que se preparan a tomar el relevo cuando el hermano pequeño se vaya a juntar con el mayor en el más allá?
El acercamiento diplomático de Barack Obama con Cuba no es más que una cortina de humo. En realidad, Obama legitimó a Raúl Castro ante la comunidad internacional. Pero la represión no cesó en la isla. Más: se agravó. Las Damas de blanco son apresadas cada domingo y soltadas lejos de su domicilio después de haber sido hostigadas y maltratadas por los hombres y las mujeres de la Seguridad del Estado, para impedir cualquier manifestación contraria al régimen. Los cubanos siguen huyendo de su isla en balsas o intentando, por decenas de miles, llegar a Estados Unidos emprendiendo una peligrosa travesía de América latina, como todos aquellos refugiados en otras zonas del mundo, como si ellos también estuvieran en guerra. ¿Quién se digna en hablar de ello?
Seguimos orgullosamente solos. Los dirigentes de todo el planeta irán en masa a los funerales oficiales de Fidel Castro, después de las interminables procesiones a las que los cubanos de la isla tendrán que asistir forzados, a regañadientes, ya que van a tener que rendirle pleitesía al hombre que provocó la tragedia, la división familiar, la escasez extrema, los encarcelamientos arbitrarios, el exilio, la muerte.
Fidel Castro, sin lugar a dudas, va a entrar en la Historia, que llevó a tantos desastres causados por los totalitarismos del siglo 20 y principios del siglo XXI. El presidente Obama, en un mensaje de pésame que suena como una traición, se refiere al “juicio de la Historia”. Fidel, por su parte, ya había anticipado la sentencia cuando, en 1953, dijo: “La Historia me absolverá”. Si el pueblo hubiera tenido la oportunidad de expresarse mediante verdaderas elecciones, sin Partido único, sin prensa controlada, sin Líder supremo, hace mucho tiempo ya que hubiera terminado en los estercoleros de esa terrible Historia. Nosotros, los cubanos de la isla y del exilio, aspiramos sencillamente a otra cosa: la Libertad.
Este artículo fue publicado originalmente en el periódico francés Le Monde.
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