soplar el alma

Sabía que lo que quedaba de mí siempre te amaría, 
pero nunca de la misma manera.
- F. Scott Fitzgerald- Lo bello y lo maldito

Le livre d’heures (1894-1906)

L’obscurité

Toi obscurité, d’où je suis issu,
je t’aime plus que la flamme,
qui trace les frontières du monde.
Parce qu’elle luit
pour n’importe quel cercle,
hors duquel nul être ne sait rien d’elle.
Mais l’obscurité contient tout en elle :
Figures et flammes, bêtes et moi-même,
comme elle les capture, hommes, puissance
Et il se peut ceci : une force immense
bouge tout près de moi.
Je crois aux Nuits.

Rainer Maria Rilke, 22.9.1899, Berlin-Schmargendorf

Ma vie n’est pas

Ma vie n’est pas cette heure abrupte,
où tu me vois  toujours en hâte.
Je suis un arbre devant mon décor,
je ne suis qu’une de mes nombreuses bouches
celle qui la première se fermera.
Je suis le calme entre deux sons,
qui s’accordent mal l’un avec l’autre :
car le son de la mort veut monter plus haut
Mais dans le sombre intervalle,
tous deux tremblent.
et le chant reste beau.

Rainer Maria Rilke, 24.9.1899, Berlin-Schmargendorf

En ce village se tient la toute dernière maison

En ce village se tient la toute dernière maison
plus seule que la dernière maison du monde.
La route, qui ne peut contenir le village,
s’éloigne lentement plus loin dans la nuit.
Le petit village n’est plus qu’un passage
entre deux lointains posé, innocent et angoissé,
une route entre les maisonnettes plutôt qu’une passerelle.

Et ceux qui abandonnent le village, s’en vont loin,
et beaucoup sans doute mourront en chemin.

Rainer Maria Rilke, 19.9.1901, Westerwede

Tout redeviendra grand et immense

Tout redeviendra grand et immense
les terres simples et les eaux ridées,
Les arbres géants et très petits les murs;
et dans les vallées, fort et multiple,
un peuple de bergers et d’agriculteurs .
Et plus d’églises, qui enserrent
Dieu comme un fuyard, et qui se lamentent sur lui
ainsi qu’un animal pris au piège et blessé,-
à ceux qui frapperont à la porte les maisons se feront accueillantes
et une senteur d’offrande sans limite
dans toutes les mains et en toi et en moi.
Aucune attente de l’au-delà et  aucun regard vers l’ailleurs,
que désir, surtout de ne pas profaner la mort
et se faire humble serviteur des choses de la terre,
et de n’être plus chaque fois nouveau à ses mains.

Rainer Maria Rilke, 20.9.1901, Westerwede

Seigneur donne à chacun

O seigneur donne à chacun sa  propre mort
sa mort qui vienne de sa propre vie
où il connut amour, sens et détresse
Car nous ne sommes que l’écorce et la feuille.
La grande mort, que chacun porte en lui,
là est le fruit autour de qui tout gravite.
C’est pour lui qu’un jour les jeunes filles se lèvent
et viennent comme un arbre sortant de la lyre
et les garçons pour lui désirent devenir homme
et les femmes deviennent pour ceux qui ont grandi
confidentes des peurs, que sinon personne n’aurait pu prendre.
C’est pour lui que demeure éternel ce qui fut entrevu,
quand bien même écoulé depuis longtemps
Et quiconque, qui modela et bâti,
devint monde par ce fruit
il fut et gel et fonte
et il venta, il brilla, en lui
Toutes les chaleurs entrèrent en lui
Le cœur et le cerveau brûlant de blancheur-
Pourtant tes anges passèrent comme nuées d’oiseaux
et ils trouvèrent verts tous les fruits.

Rainer Maria Rilke, 15.4.1903, Viareggio

Alors que feras–tu Dieu si je meurs ?

Je suis la cruche (si je me brise ?)
Je suis la boisson (si je m’altère ?)
Je suis ton habit ton commerce,
Avec moi perdu tu perdrais ton sens.
après moi tu n’auras plus de maison,
 où les mots proches et chaleureux te salueraient.
De tes pieds fatigués tombera
cette sandale en velours qui est moi
ton grand manteau te quittera,
ton regard, que je réchauffe avec mes joues
que je reçois comme une couche
voudra venir, me cherchera, longuement
et se posera contre le coucher de soleil
avec des pierres inconnues au creux de lui-même.
Alors que feras-tu Dieu ?
J’ai très peur
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Parfois quelqu’un se lève au milieu du soir
et sort et va et va et va
parce qu’une église se dresse à l’orient
et ses enfants le bénissent comme mort
et un autre, qui meurt dans sa maison,
demeure à l’intérieur, reste à la table et au verre,
alors ses enfants partent de par le monde
vers cette église qu’il a oubliée

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