J'aime ma ville
Marc Chagall
Por Winona Keane
Bonjour et très heureuse d'intégrer ce groupe ;
J'aime ma ville. Même pas peur. Je me bats pour elle depuis que je suis en âge de me battre. Si je n'étais pas née comme une flèche, la raie au milieu un 22 Juillet, tête la première, mes poings auraient sans doute vu le jour avant le reste.
J'aime ma ville. Et c'était très pénible quand j'étais enfant; notamment en vacances.
-Tu viens d'où ?
-Du Havre
-Ah...
Combien de fois ai-je entendu ce ton méprisant, cette compassion, cette pitié...effroyable !
Mes parents sont nés en 43 et 44 donc ils ont vécu leur enfance dans les ruines du Havre, après les bombardements anglais. Ils m'ont transmis leur amour et mes racines ont poussé sur les leurs.
Ville portuaire, communiste...réputation abominable, exécrable. Havrais signifiaient parias, limite dégénérés, loin des lumières parisiennes et du luxe culturel. J'ai pourtant vécu à cette époque un déferlement orgasmique de projets dans les "SAM"( salle d'animation municipale) , conservatoire, "Playback Théâtre "...moyens colossaux, projets pharaoniques, la culture comme or blanc. Et puis un jour, une semaine après des élections historiques, la mairie du Havre passait à droite, et lors de l'émission météo sur la une, pour la première fois, Le Havre était mentionné.
Et puis les immeubles Auguste Perret reconnus au patrimoine mondial de l'UNESCO, les travaux de réaménagement de la plage, le MUMA, le Volcan , la Bibliothèque Niemeyer, le tramway, réhabilitation des Docks Vauban, Centre Coty et le pôle universitaire, l'EMN, la fac de médecine, Sciences Po Asie, la transat Jacques Vabres, et aujourd'hui, les géants...et les 500 ans du Havre, sculptures de conteneurs et jeunes qui commencent à s'identifier voire à revendiquer leur appartenance à la Normandie et au Havre. Enfin.
Pas facile de faire sa place dans le coeur d'un havrais, mais quand tu y es, tu n'en bouges plus. J'ai appris par mon copain au barreau du Havre que notre ville se trouvait être parfois une sanction administrative ! Les mutations ici sont vécues type "les ch'tis".
Venez pourtant admirer comme Monet la couleur changeante de la mer, les ciels à nulle autre pareils, pensez Casimir Delavigne, Bernardin de Saint-Pierre, Othon Friesz, Dubuffet, Arthur Honegger, Dufy, Raymond Queneau...
Il se passe quelque chose ici. La mer, la campagne...les gens, multiculturalisme, du passionné au mètre carré...Nous, mélange des celtes, vikings, Africains, (négoce de café, coton et d'esclaves) issus de cette Ville créée par François Premier il y a 500 ans...
Ville envahie par les allemands, puis les camps Philipp Morris et les américains...Nous sommes havrais, mélange, et j'ai vu ma ville envahie par 350000 personnes aujourd'hui, touristes étrangers et venant de la France entière, applaudissant à tout rompre ce géant émouvant. Nous avions tous dix ans, c'était magique. J'ai senti enfin ma ville appréciée. Soulagement. Émotion. Comme un membre de la famille blanchi, une maladie terrible guérie. J'ai perdu mes repères et en ai gagné d'autres. Discussion avec quelques comédiens, personnages phares de bons téléfilms france 2 et 3, venus avec leurs enfants.
-C'est sympa finalement Le Havre...
-Enlève "Finalement " et je t'emmène au restau, nom de nom!
Vive LH!
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