Ellaline Terriss as Joan of Arc, 1900′s.

Sucede -tal vez- que el arte necesita nostalgia. No se puede ser artista si no se ha perdido algo.
—  Alejandro Dolina


 Felices los normales

Felices los normales, esos seres extraños,

Los que no tuvieron una madre loca, un padre borracho, un hijo delincuente,
Una casa en ninguna parte, una enfermedad desconocida,
Los que no han sido calcinados por un amor devorante,
Los que vivieron los diecisiete rostros de la sonrisa y un poco más,
Los llenos de zapatos, los arcángeles con sombreros,
Los satisfechos, los gordos, los lindos,
Los rintintín y sus secuaces, los que cómo no, por aquí,
Los que ganan, los que son queridos hasta la empuñadura,
Los flautistas acompañados por ratones,
Los vendedores y sus compradores,
Los caballeros ligeramente sobrehumanos,
Los hombres vestidos de truenos y las mujeres de relámpagos,
Los delicados, los sensatos, los finos,
Los amables, los dulces, los comestibles y los bebestibles.
Felices las aves, el estiércol, las piedras.

Pero que den paso a los que hacen los mundos y los sueños,
Las ilusiones, las sinfonías, las palabras que nos desbaratan
Y nos construyen, los más locos que sus madres, los más borrachos
Que sus padres y más delincuentes que sus hijos
Y más devorados por amores calcinantes.
Que les dejen su sitio en el infierno, y basta.
FERNANDEZ RETAMAR



L’islam, la guerre et les Français



Dans son éditorial, Inna Doulkina, rédactrice en chef du Courrier de Russie, exprime le sentiment d’un grand nombre de Russes sur les attentats du 13 novembre.


Vous croyez que les islamistes cherchent à vous effrayer ? Non, ils ne cherchent qu’à vous exterminer. Et ils se fichent de savoir si vous continuez d’aller en terrasse, au match ou en boîte. Si vous le faites, fiers et contents de vous – tant mieux pour eux, vous leur faciliterez la tâche. Ils reviendront vous y assassiner. Et si vous vous retranchez dans vos appartements – qu’à cela ne tienne : ils enfonceront vos portes et vous assassineront chez vous, avec vos vieux, vos gosses et vos poissons rouges.

Parce qu’ils ne veulent pas se venger de vous, vous faire perdre courage ou vous rééduquer – ils veulent simplement que vous cessiez d’exister, tels que vous êtes. Parce que pour eux, vous êtes indignes de vivre. Et que vous tuer leur garantit un accès direct à leur monstre divin auquel vous ne croyez pas – mais c’est votre problème, car ils y croient, eux.

Par vos messages pleins d’émotion et vos manifestations de solidarité, vous tentez de leur dire quelque chose. Que vous n’avez pas peur, qu’ils n’auront pas votre haine. Vous essayez d’entrer en dialogue avec eux, de leur exprimer vos sentiments, de toucher leur cœur, d’interpeller leur humanité.

Vous vous dites que pour en arriver là, ils ont certainement dû avoir une enfance très difficile : ils ont forcément été maltraités, humiliés, battus, abusés. Ils n’ont jamais été réellement aimés, on les a empêchés de grandir. Et maintenant, pauvres gosses, ils n’ont que ce recours de déferler leur haine sur un monde qui les a si cruellement rejetés. C’est notre faute, s’ils en sont là aujourd’hui, vous dites-vous. Presque malgré vous, vous tentez sinon de justifier leurs actes, du moins de les comprendre. Et c’est tout à votre honneur. Mais pas de chance. Intéressez-vous aux parcours de ces Samy, Bilal et Abdelhamid. Lisez les témoignages de leurs proches et amis. Ces gens viennent pour la plupart de familles aussi normales que les vôtres. Ils ont eu des parents aimants et attentifs. Ils n’étaient pas exclus. Ils étaient parfaitement intégrés. Ils n’ont pas connu la misère et ont eu une vie cent fois plus décente que des milliers de mes compatriotes. Ils n’étaient pas en échec scolaire, et certains étaient même des premiers de classe. Ce n’étaient pas des boucs émissaires. Ce ne sont pas des damnés de la terre ni des forçats de la faim. Ils sont ce qu’ils sont. Des criminels. Des assassins. Des hommes et des femmes qui se sont arrogé le droit de tuer. Et pas pour remplir leur vide émotionnel ou satisfaire leur besoin d’amour, mais parce qu’ils ont été séduits par une idée. Ils ont réellement cru que le monde est ainsi fait : que seuls les musulmans qui respectent à la lettre la charia ont le droit de vivre. Que les autres se convertissent, ou qu’ils meurent. Et d’ici là, vos belles paroles n’émeuvent que vos amis Facebook – eux, elles les impressionnent autant que le bêlement d’un mouton. Il est gentil, le mouton, mais bêler ne l’empêchera pas d’être égorgé le jour venu. Parce qu’Allah le veut.

Bien sûr, vous pouvez ne pas y croire. Vous pouvez vous dire que si votre jeunesse se radicalise et s’en va couper la tête des Syriens et les brûler vivants dans des cages, c’est pour des raisons sociales. Vous pouvez vous demander comment remédier aux problèmes que les Français issus de l’immigration rencontrent au quotidien. Et vous le faites. Pourquoi ne pas bannir les crèches de Noël des mairies, tiens ? Bien sûr ! Le musulman qui passe devant ce symbole chrétien, ce signe ostentatoire d’une religion qui n’est pas la sienne, risque de se sentir blessé, discriminé, banni, désespéré… Et que lui restera-t-il à faire, sinon acheter une kalachnikov à un autre de ses potes désorientés, perdus et sans repères, pour aller mitrailler les Français en terrasse ? Mais vous avez tort : si vos voisins de quartier et copains d’école vous tirent dessus, ce n’est pas par désespoir – c’est par plaisir. Les goûts et les couleurs, hein… : les uns aiment boire des coups en terrasse, les autres préfèrent faire exploser des infidèles. Ça les lave de leurs péchés et leur permet d’espérer la miséricorde de Celui qu’ils aiment plus que vous. Vous ne croyez pas à leur réalité – qu’à cela ne tienne ! : ils ne croient pas plus à la vôtre. Vous pensez mener une vie normale et sans histoires ? Mais pour eux, allumer une cigarette, embrasser ses collègues le matin ou regarder une femme chanter sur scène – c’est insulter leur dieu. Et vous, vous le faites sans vergogne, sans répit. Qu’espériez-vous mériter, à leurs yeux, sinon la mort ?

Vous dites refuser d’y croire. Vous affirmez ne pas vouloir laisser la haine pénétrer
 votre cœur, ni le désir de vengeance empoisonner votre existence. Vous déclarez que si le malheur est arrivé, c’est parce que la France est entrée en guerre, a frappé l’État islamique et s’est attiré les foudres de ses habitants. Dans votre effort de compréhension, vous vous dites que pour être si durement blessés, c’est que vous avez dû blesser les premiers. Qu’il ne peut s’agir que d’une réaction à une action déclenchée par vous.

Selon cette logique, pour que l’horreur prenne fin, la France devrait se contenter de cesser d’agir : ne plus « semer la destruction et la mort », renoncer à ses frappes, quitter le théâtre de la guerre, brandir le drapeau blanc et poser la main sur son cœur. Dire aux habitants de l’EI que nous sommes tous frères et que Fuck, la guerre ! Après tout, vous pouvez toujours essayer. Tentez donc de les convaincre que vous êtes de la même race humaine. Mais je crains qu’ils en doutent fort. Voire qu’ils soient intimement persuadés du contraire.

La France aurait pu ne rien faire, ne pas participer à la moindre guerre et brûler tous ses fusils – cela ne l’aurait pas protégée des attentats. Car la France n’a pas été visée pour ce qu’elle fait, mais pour ce qu’elle est. La France a été attaquée pour ce qu’elle nie depuis deux siècles avec un stupéfiant acharnement : ses racines chrétiennes. Ça ne vous dérange pas, de vivre aux côtés de musulmans, pas vrai ? Mais le problème, c’est que ça dérange profondément certains d’entre eux, de vivre auprès de vous. Votre nourriture, vos vêtements, vos livres, vos films, vos spectacles, vos musées, vos danses, vos chants, vos blagues – tout cela les agace. C’est toute votre civilisation qui les irrite. Car rien de ce que vous faites, rien de ce dont vous vous permettez encore d’être fiers n’est permis par leur religion. Sachez-le : le Louvre n’est pas plus halal que Charlie Hebdo ! Vous m’en voyez navrée. Pour un musulman, l’intégration à la société française passe nécessairement par une prise de distance avec sa religion, une relativisation significative de ses préceptes, sa réduction au domaine culturel et identitaire. Pour devenir un Français heureux, un musulman doit, dans une certaine mesure, cesser d’être musulman. Car l’islam, pris au pied de la lettre, est incompatible avec la France.

Vous aurez beau fermer vos cathédrales, rayer les mentions de votre Église de vos manuels scolaires et mettre l’accent sur la dimension arabo-musulmane de l’histoire de France, vous ne sauverez pas votre peau. À leurs yeux, vous resterez des « croisés », des ennemis. Ces familles russes qui rentraient de vacances en Égypte et ont explosé au-dessus du Sinaï, elles aussi, étaient pour eux des « croisés ». Les islamistes sont là pour vous rappeler qui vous êtes – pour nous rappeler qui nous sommes : ils nous renvoient ce miroir où nous refusons de nous voir. Ils sont là pour nous dire que non, nous ne sommes pas des citoyens du monde – mais bien les enfants de nos parents. À force de clamer haut et fort que nous n’avons pas de racines, seulement des ailes, qu’il ne faut pas tenir plus à sa culture qu’à une autre, car, au fond, elles se valent toutes et sont interchangeables et qu’il suffit de vivre en Chine pour devenir Chinois, nous nous sommes approchés d’un point de renoncement au-delà duquel il n’y a plus que le vide. Toutes les cultures se valent ? Tu ne veux pas mourir pour ta civilisation ? Parfait ! – enfile ce voile, ma sœur, et prends cette arme, mon frère. Vous ne voulez plus être français ? Devenez de bons musulmans !

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